Comment gérer son épargne immobilière ?
Frédéric Puzin, président du groupe CORUM nous explique comment gérer son épargne immobilière. Guillaume Sommerer, journaliste de BFM Business, l'interroge sur le sujet. Revivez cette émission de La Vie Immo sur BFM Business.
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Retranscription :
[Guillaume Sommerer] Bonjour Frédéric Puzin
[Frédéric Puzin] Bonjour Guillaume
[Guillaume Sommerer] Merci de nous avoir rejoints. CORUM am. L’IEIF, l’institut de l'épargne immobilière et foncière qui vient de publier et résultats et des SCPI 2018. Le rendement moyen 4,35 contre 4,43 l'an dernier. Une nouvelle baisse des rendements. C'est un conseil qui est de plus en plus compliqué en ce moment. Comment est-ce qu'on gère son épargne immobilière version 2019 ?
[Frédéric Puzin] Il faut d'abord regarder d'où on vient. Je donne un chiffre. En 2009, les rendements étaient au-dessus de 6% : 6,07%. Aujourd'hui, on est donc tombé à 5,38%. Alors, c'est une longue et lente évolution qu'on peut comparer d'ailleurs toutes choses égales par ailleurs à celle celui des contrats d'assurance vie mais avec une rentabilité de la SCPI qui reste quand même supérieure, aux environs de 4,35%-4,40%. Ce qu'il faut aussi préciser, c'est que cette année, il y a un niveau de collecte un peu moins fort, ce qui n'est pas forcément une nouvelle mauvaise nouvelle.
[Guillaume Sommerer] L'abondance de la collecte avait fait naître quelques commentaires, des interrogations sur une éventuelle bulle… enfin… il y avait un petit contexte qui n'était pas forcément une publicité fabuleuse…
[Frédéric Puzin] Voilà la collecte se ralentit donc ça fait un peu moins d'argent à investir… environ 20% de moins que l'année dernière et donc ça met un peu moins de pression sur le marché. On a investi donc dans de meilleures conditions, ce qui n’est pas une mauvaise nouvelle.
[Guillaume Sommerer] Malgré tout, en plus de ce contexte-là, on a quand même un contexte global dans le monde de l'épargne, de taux qui est bas, historiquement !
[Frédéric Puzin] Oui, vous en parliez tout à l'heure et je pense que c'est un des sujets du moment. On peut avoir des craintes sur une éventuelle remontée des taux, je pense que ce n'est pas forcément dans l'air du temps. En revanche, s’il y a une chose qui est sûre, c'est que tout le monde s'est aujourd'hui investi largement sur les marchés immobiliers. Quand je dis tout le monde, c’est les épargnants, les particuliers mais aussi les grands investisseurs… donc beaucoup d'argent sur ces marchés, des prix très élevés et les SCPI et OPCI font partie de cette course à l'armement pour trouver les plus gros investissements et donc achètent de plus en plus cher.
[Guillaume Sommerer] C'est intéressant ce que vous nous dites sur le prix… de faire une espèce de parallèle entre le rendement… C’est vrai qu'on est souvent focalisé sur le rendement, sans regarder l'éventuelle plus-value, l'augmentation de la valorisation des actifs… Ça, c'est quelque chose qui compte aussi dans une SCPI ?
[Frédéric Puzin] Alors, ça fait partie du rendement puisque à loyer équivalent, plus vous allez acheter un immeuble cher et plus le rendement de votre argent va baisser… En effet, le rapport entre le loyer et le prix d'acquisition de l’immeuble va être de plus en plus faible. Et c'est que c'est ce qu'exprime aujourd'hui le rendement des SCPI qui a baissé aux environs de 4,35%. Pour les dix plus grosses capitalisations, les dix plus grosses SCPI de la place, c’est même 4,23%. Et on part de 6% il y a dix ans. Alors, entre temps, elles ont accumulé de la valeur. Ce qu'on peut dire, c'est que les revenus n’ont pas tellement augmenté. Les loyers n'ont pas tellement augmenté… C'est la valeur des immeubles qui a augmenté… Et elles-mêmes, un peu comme une barque qu’on charge, ont acheté de plus en plus cher, elles se sont enfoncées en achetant de plus en plus chers, et ont fait baisser les rendements. En revanche pour le parc existant, qu'il possédait déjà il y a six ou sept ans, elles ont accumulé des valeurs. La valeur de leur part a augmenté et ce qu'elles cristallisent aujourd'hui, ce qui est présent dans leur valeur de part, c’est l’appréciation du patrimoine … Alors oui, le revenu a baissé mais le patrimoine a pris de la valeur.
[Guillaume Sommerer] C'est cette espèce de couple entre la valeur, le rendement. Ça veut dire que le produit reste malgré tout intéressant pour l'épargnant, pour le détenteur d'une part ?
[Frédéric Puzin] Oui, alors je dirais d'abord que c'est un produit qui a un gros avantage, c'est qu'il est visible, qu’il est tangible… mais ce n'est pas une valeur refuge… On associe souvent immobilier et valeur refuge. La valeur, elle fluctue dans le temps. A telle enseigne, que en 2009, on achetait les immeubles beaucoup moins chers, aujourd'hui de l'ordre de 20 à 25%, suivant les endroits en France et en Europe. Donc les immeubles ont pris de la valeur. On sait qu'on est plutôt sur un marché très cher, très haut… On est sans doute à un niveau historique, et en même temps, c'est lié en partie aux taux d'intérêt qui sont très faibles, puisque on peut acheter des immeubles en très bonne condition et qu'il est difficile de trouver des investissements aussi rentables et aussi tangibles que l'immobilier. Donc la question qui se pose, c'est « j’ai des rendements qui baissent », de l'autre côté, « j'ai des valeurs très élevées »… Est-ce que je ne devrais pas cristalliser ma valeur en revendant les parts de certaines de mes SCPI qui ont pris beaucoup de valeur, mais qui ont moins de rentabilité.
[Guillaume Sommerer] ça veut dire qu’aujourd'hui, vous, CORUM, qui êtes au cœur de cet écosystème, finalement, de ces SCPI, vous avez tendance à dire, il y a peut-être de l'arbitrage à faire.
[Frédéric Puzin] Sur les SCPI qui ont pris beaucoup de valeur, notamment celles qui étaient très investies dans leur patrimoine depuis dix, quinze ou vingt ans, en France et pour les plus récentes d'entre elles, en Allemagne… Ces SCPI ont pris de la valeur, il faut peut-être réfléchir à cristalliser cette valeur puisqu’une valeur n'existe vraiment, on ne prend une plus-value que dès lors qu'on vend. Autrement, ça reste virtuel… Donc ça serait dommage d'avoir une valeur de part qui augmente et puis derrière se prendre une baisse avec un retournement du marché immobilier.
Un des raisonnements aujourd'hui, c'est de se dire, arbitrons les SCPI qui ont pris de la valeur, qui sont parmi les moins rentables de façon tendancielle, et puis réinvestissons sur des SCPI…
[Guillaume Sommerer] Oui, c'est ça. Vous n’en êtes pas non plus à vous tirer une balle dans le pied, en vous disant larguez une SCPI… Vous imaginez juste un arbitrage entre des SCPI qui auraient déjà beaucoup progressé, pour revenir sur de nouveaux produits, de nouvelles propositions, dans ce monde des SCPI, qui permettrait de faire le même chemin ?
[Frédéric Puzin] Voilà, c’est-à-dire cristalliser la valeur, prendre ses plus-values, encaisser la mise, et puis la réinvestir sur des SCPI qui ont des potentiels de rendement plus intéressants aujourd'hui… donc meilleure rentabilité de l'argent, et puis aussi des perspectives de valorisation… et ça, c'est vrai pour la plupart des épargnants, parce que souvent ils ont des portefeuilles de SCPI, ils n'ont pas qu'une seule SCPI évidemment… Et donc, faire un peu d'arbitrage dans son portefeuille pour prendre ses valeurs, être prudent, cristalliser sa plus-value et puis remettre un petit peu dynamisme et de rendement dans son portefeuille de SCPI.
[Guillaume Sommerer] Vous avez envie de transformer les SCPI. Déjà que vous nous parlez de portefeuille de SCPI en une simple action, on va dire, faire du Spiel, d'aller et venir finalement sur des SCPI comme on le ferait sur des actions ? C'est un peu à l'encontre de ce qu'on entend d'habitude, non ?
[Frédéric Puzin] Oui, alors on va rester quand même très mesuré, très calme, sur le sujet. La détention moyenne d'une part de SCPI est d’environ 20 ans. Vous voyez qu'on est loin du trading à haute fréquence. Très très loin. On sait que la détention optimum d’un bien immobilier entre deux cycles, c’est entre 8-12, 10-12 ans maximum… Et donc, se dire que tous les sept ou huit ans, ou dix ans, je me pose la question de savoir de ce que j’arbitre, ou ce que je vends dans mon portefeuille, ça ne paraît pas complètement déraisonnable… surtout étant précisé que les marchés sont très chers et que la probabilité qu'ils aillent beaucoup plus haut est faible comparativement à celui qu'un jour, ils baissent, avec notamment des conditions un peu moins favorables sur le marché immobilier.
[Guillaume Sommerer] L'arbitrage est effectivement assez tentant, et on comprend bien votre propos qu'on n'est pas non plus sur du trading haute fréquence, ok… Mais comment on fait pour repérer finalement – bon alors, celles qui ont monté, on le sait, on a notre ligne dans notre portefeuille de SCPI, on voit bien le chiffre au bout de la ligne - mais celles qui n'ont pas encore monté, qui sont prometteuses… Pourquoi n'ont-elles pas encore monté ? Pourquoi sont-elles prometteuses… Quels sont finalement les petits critères que vous auriez envie de mettre en avant pour nos auditeurs ? Parce qu’on pourrait très bien se dire, si elle n’a pas monté, c'est peut-être parce que le bien est de moindre qualité, parce qu'il est plus risqué ? parce que je quitte mon QCA pour partir en province, parce que je quitte la province pour aller la banlieue pour aller en province… Peut-être que je vais dans de l'entrepôt, et non pas dans du bureau… Enfin voilà, il y a des tas de critères quand même pour faire la qualité d’une SCPI, aussi.
[Frédéric Puzin] Alors, le premier des critères, c'est d'abord leur patrimoine. Il a malgré tout dû s'apprécier… mais ça veut dire qu'elles conservent un potentiel de valorisation… Et d'ailleurs, elles ont pu l'exprimer souvent en faisant ce qu'on appelle un dividende exceptionnel. C’est-à-dire qu’elles-mêmes vendent des immeubles, et réinvestissent dans de meilleures conditions et permettent de dégager des plus-values qu'elles redistribuent sous forme de dividende exceptionnel.
L'autre point, c'est que les SCPI qui ont sur la longue durée, je vais dire au-delà de 7 ans, réussi à avoir toujours la même rentabilité, qui est au-dessus de celle du marché, c'est un bon indicateur.
Enfin, le dernier indicateur, c'est le niveau de taux d'occupation des immeubles. Si vous avez taux d'occupation des immeubles qui est supérieur à 95% depuis cinq ou six ans, vous savez que votre revenu au moins, il est sur un trend, sur une tendance, qui est positif. Donc si vous avez arrivez à avoir des revenus supérieurs à ce que vous offre aujourd'hui le marché, c'est quand même une bonne perspective…et puis ce sont les SCPI qui ont su positionner depuis longtemps sur des zones, qui ont créé de la valeur, et qui ont su elles-mêmes arbitrer… En fait, elles ne sont pas figées sur des marchés, elles sont mobiles pour vous, et elles savent dégager la valeur, quand il le faut…
[Guillaume Sommerer] Et bien voilà quelques idées claires sur ce monde des SCPI. Merci beaucoup Frédéric Puzin pour CORUM AM.