Épargne : l’avenir est aux circuits courts
Pourquoi l'agriculture en circuits courts a tant le vent en poupe ? Parce que aussi bien le producteur que le consommateur y trouvent leur compte. Le premier en augmentant sa marge nette et en fidélisant, le second en achetant moins cher des produits de meilleure qualité.
Il en est de même pour la finance et l'épargne. En fonctionnant en circuits courts, les intérêts de ceux qui épargnent et de ceux qui investissent s'alignent, et ce, au profit de l'économie réelle. A l'heure où le digital rend accessible une relation directe entre celui qui épargne et l'organisme qui investit, l'intermédiation ne se justifie plus.
Sauf bien entendu lorsque l'épargnant a besoin de se faire conseiller de façon indépendante par un conseiller en gestion de patrimoine.
Retrouvez ci-dessous la tribune de Frédéric Puzin, parue dans Les Echos.
Les produits d’épargne sont traditionnellement des machineries complexes dont les épargnants ignorent le réel fonctionnement.
Qui sait en effet que le livret A – près de 350 milliards d’euros d’encours, celui qu’on ouvre pour ses enfants dès leur naissance, sert à financer la construction de logement sociaux ?
Avons-nous bien en tête que l’assurance vie investie sur des fonds euros, 75 % des 1 800 milliards d’euros placés sur ces contrats, finance directement le fonctionnement de l’État et permet d’investir dans de grands projets ou plus simplement de payer les fonctionnaires ?
Et que les 25 % restants, les fameuses unités de compte, sont en fait constituées d’obligations d’entreprises, de SCPI ou encore d’actions.
Nous ne parlons ici que des deux placements préférés des Français. Aucunement du PERCO, du PEA-PME, des FCPE ou encore des OPCVM ou des SOFICA ! Cette passion française pour les acronymes est révélatrice de notre difficulté à rendre accessible à la compréhension du plus grand nombre le fonctionnement des produits financiers et leur rôle dans le financement de l’économie réelle. Si l’immobilier est autant un refuge au prix d’une bulle inflationniste, c’est parce qu’il s’agit du seul placement que les Français comprennent vraiment. Logique, il est tangible et permet de développer un lien charnel et profond avec lui.
« L’émergence des circuits courts alimentaires, facilitée par la relation plus directe entre producteurs et consommateurs permise par le digital, a validé la pertinence d’un modèle fondée sur l’alignement des intérêts. »
Ce travers culturel est de plus amplifié par la structuration même du secteur financier. Entre l’épargnant qui souhaite investir le fruit de son travail et l’acteur économique final qui reçoit l’argent pour financer un projet de développement, le nombre d’intermédiaires est colossal. Prenons l’exemple d’un investissement en assurance vie : l’argent transite d’un particulier vers une banque de détail qui via l’assureur du même groupe bancaire place l’argent auprès d’un gestionnaire d’actifs qui l’investit ensuite auprès d’un fonds qui l’utilise pour le prêter dans certains cas à une entreprise afin de financer son développement. On a connu chemin plus simple et pourtant nous avons pris un circuit relativement courant. C’est ici que le bât blesse, chaque acteur prélève sa dime pour se rémunérer du travail effectué pour mettre en relation tel acteur avec un autre. Qui rémunère tous ces intermédiaires ? Le citoyen épargnant qui voit ainsi se réduire la rémunération de son épargne. Au-delà du coût, l’intermédiation excessive dilue les responsabilités et la qualité de l’information sur les produits d’épargne. Si elle a pu se justifier à une époque encore récente, où le suivi des transactions étaient effectués sur des livres de comptes inspirés par ceux des marchands de laine florentin du XIVème siècle, le digital rend désormais accessible une relation directe entre celui qui épargne et l’organisme qui investit cet argent. Mais cette disruption se fait encore attendre en raison des conformismes et du poids des régulations. Pourtant, il est possible de limiter la strate d’intermédiaires sans réduire la sécurité financière.
Le secteur de l’agroalimentaire est pour cela inspirant. L’émergence des circuits courts alimentaires, facilitée par la relation plus directe entre producteurs et consommateurs permise par le digital, a validé la pertinence d’un modèle fondée sur l’alignement des intérêts. L’agriculteur a tout intérêt à produire des produits de qualité au meilleur prix afin de se créer une communauté de consommateurs fidèles. Les deux s’y retrouvant : le producteur en augmentant sa marge nette et en fidélisant, et le consommateur en achetant moins cher des produits de meilleure qualité grâce à la suppression de certains intermédiaires dont l’apport s’est révélé inutile. Cette révolution est désormais à portée du monde de la finance et de l’épargne. Car quand les intérêts de ceux qui épargnent et ceux qui investissent sont alignés, c’est l’économie réelle, celle des entreprises françaises et européennes, qui en est le plus grand bénéficiaire.
Par
FRÉDÉRIC PUZIN