L’immobilier de santé  :  eldorado ou filon surexploité ?

A travers cinq questions clés, Baptiste Bruneau parle avec Frédéric Puzin, fondateur de CORUM L’Épargne et Philippe Cervesi, directeur de l’immobilier du groupe CORUM, des tendances des marchés et des conséquences sur votre épargne. À commencer par l’engouement des investisseurs pour l’immobilier de santé, très recherché... en dépit d’une offre et de rendements réduits. 

 

Les produits commercialisés par CORUM L’Épargne sont des investissements long terme qui présentent un risque de perte en capital, aucune garantie de revenus et une liquidité limitée. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures. 

 

Baptiste Bruneau 

Nous entendons beaucoup parler d'immobilier de santé, en tout cas chez CORUM ce sont des questions qui nous sont posées et que nous relayons quotidiennement. Alors est-ce le nouvel eldorado, la santé ?  

Philippe Cervesi 

Nouvel eldorado, je ne sais pas, pour certains en tout cas ça semble l'être. Le marché immobilier est un marché comme tous les marchés, où il y a un peu d’effet de mode, et où il y a une temporalité qui est assez importante. Quand nous avons lancé nos SCPI chez CORUM - notre première SCPI CORUM Origin en 2012 - il y avait un marché qui était l'eldorado, comme nous disons aujourd'hui : c'était le marché du commerce. Et à l'époque, il était quasiment impossible pour nous d'acheter du commerce. Puis la crise sanitaire est arrivée, nous avons vu un essor important de ce qui s’appelle le e-commerce (donc la vente en ligne), et les investisseurs se sont tournés de façon très agressive vers la logistique. Et dans le même temps, nous avons constaté que le marché de la santé que tu évoques était un marché qui était rassurant pour les gens. 

Frédéric Puzin 

Alors je ne dirais pas rassurant... C’est-à-dire qu'il est compréhensible sur le fond. Il y a une crise sanitaire, certains se disent : ce qui va marcher, c'est ce qui est lié à la santé. Alors nous allons vous donner quelques chiffres et Philippe va détailler. Mais il faut bien comprendre que le marché immobilier européen en volume d'investissement c'est 260 milliards par an. C’est-à-dire qu'en Europe s'investissent, s'achètent et se vendent 260 milliards d'actifs immobiliers. La santé, c’est 8,2 milliards. Donc ça représente à peu près le marché de la Pologne, 3 % du volume de l’Europe. Vous voyez bien que si tout le monde se dit : ”il faut faire de la santé”, vous allez sur un marché qui est tout petit, qui est microscopique.

Et je vais vous donner l'information qui est sortie hier ou avant-hier : un gros acteur de la SCPI vient d'acheter un portefeuille de santé d’un volume de 600 millions d'euros. Une opération à 600 millions d'euros sur 8,2 milliards, c'est-à-dire 8 % du marché annuel. Vous voyez bien que c'est un volume qui est tout petit. Tout le monde dit : ”il faut faire la santé”, tout le monde va vouloir avoir un immeuble de santé. Et pour avoir un immeuble de santé, vous avez bien compris que si vous avez 1 vendeur et 20 acheteurs, qui fait le prix ? C'est le vendeur. Donc vous allez acheter cet immeuble très cher. Très cher, cela veut dire quoi ? Avec peu de rendement mais aussi avec beaucoup de risques. Parce que si vous l'achetez cher, trop cher, il y a plus de prime de risque par rapport à la réalité de la qualité de l'immeuble et du locataire. Nous sommes typiquement sous l'effet de ce que je vais qualifier d’une pression du marché sur les prix, une pression à la hausse qui fait que pour nous aujourd'hui, acheter un immeuble de santé est complétement déraisonnable, c'est prendre trop de risques.  A contrario, les immeubles de santé que nous avons, nous les vendons. 

Philippe  

Exactement. Nous avons en 2021 analysé le marché, et je disais qu’effectivement il y a une sorte de réflexe un peu reptilien : il y a une crise sanitaire, les gens se disent que la santé est rassurante, c'est facile à expliquer, à intuiter. Du coup tout le monde y va, et généralement quand tout le monde va quelque part, ça crée une surréaction et une surpression. Nous avons beaucoup communiqué pendant la crise du Covid-19 pour expliquer qu'il y avait probablement une surréaction des marchés sur le commerce, par exemple, qui avait été trop fortement décrié. Et cette surréaction existe aussi sur des marchés comme la logistique ou la santé, à l'inverse avec des prix qui sont devenus complètement fous. Frédéric parait de la profondeur du marché, qui aujourd'hui est effectivement tout petit à l'échelle européenne. Du coup nous sommes plutôt sur une logique opportuniste, en se disant : nous voulons en profiter, comment en profiter ? Eh bien nous avons des immeubles de santé dans notre portefeuille : nous avions acheté en 2016 notamment dans un parc de bureaux aux Pays-Bas des immeubles mixtes de bureaux et de laboratoires, avec comme locataire de très grosses biotech mondialement connues. Donc des entreprises vraiment liées à l'industrie pharmaceutique, des entreprises dont vous avez entendu le nom pendant les nombreuses recherches qui ont eu lieu sur les médicaments et sur les vaccins contre le Covid-19. Et nous avions acheté ces bâtiments aux Pays-Bas en 2016 pour un taux de rendement* à l'époque supérieur à 7%. 

Frédéric  

Le taux de rendement est le rapport entre le loyer et le prix auquel vous achetez. Donc si vous achetez un immeuble 100, et que vous avez 7 % de rendement, ça veut dire que le pourcentage que représentent les loyers par rapport au prix d'achat est 7%. Pour vous expliquer les choses un petit peu différemment, en 13 ans de loyer vous avez payé l'immeuble, vous avez remboursé l’immeuble. 

Philippe  

Nous avions acheté ces deux bureaux à l'époque pour un montant de 29 millions d’euros, pour donner des chiffres concrets. Nous avons décidé de vendre ces immeubles en 2021 en se disant que c'était plutôt un bon moment. 

Frédéric  

Quand vous agitez le chiffon “santé biotech” aujourd'hui sur le marché, ce que j'expliquais tout à l'heure, vous avez 20 acheteurs. 

Philippe 

Nous pouvons être assez transparents. Je pense que quand nous avons mis ces immeubles sur le marché avec Frédéric, si nous en avions tiré 35-36 millions d'euros nous aurions été très contents, c'était une belle plus-value, c'était génial pour nos porteurs de parts. Il se trouve que le fait que ce soit de la santé a créé une compétition énorme entre les acheteurs, et finalement nous les avons cédés pour 41 millions d'euros, c'est-à-dire un taux de rendement légèrement supérieur à 5 %. Donc comme le disait Frédéric tout à l'heure, 7 % vous rentabilisez en 13 ans, 5 % vous faites le calcul : c’est 20 ans.  

Frédéric 

Cela fait une plus-value de combien en euros ?  

Philippe 

Cela fait une plus-value de 12 millions d'euros sur un prix d'achat qui était de 29 millions d'euros. 

Frédéric  

C’est-à-dire que nous avons fait 30 % de plus-value en 5 ans, et tout ça uniquement grâce à une chose : il suffit d'agiter le chiffon santé, ou encore mieux que santé, biotech, et d'un coup vous avez 20-30 acheteurs qui sont prêts à payer - je ne vais pas dire n'importe quel prix, mais presque.  

Philippe 

Et c'est un peu aussi le cœur de notre stratégie. Nous avons toujours dit que nous étions opportunistes à l'acquisition, que ce soit sur les types d’immeubles ou sur les marchés immobiliers. Rappelons les acquisitions dans le sud de l’Europe en 2013-2014 notamment. C’est exactement la même chose à l'arbitrage : il faut savoir être opportuniste et il faut savoir vendre les types d'immeubles les plus prisés pour créer de la concurrence entre les acheteurs, et maximiser une éventuelle plus-value.  

Frédéric  

Je pense qu'il faut être très modeste, et être très modeste, c'est se dire que quand une idée est largement répandue, généralement c'est la même idée en même temps pour tout le monde. Il y a des gens qui sont supérieurement intelligents et que je vais qualifier de génies, qui sont capables d'anticiper les mouvements. Ceux-là sont rares, ce sont ceux-là qui font les vraies affaires. Ceux qui ont pu acheter de la santé il y a 10, 15 ou 20 ans, acheté des cliniques par exemple 50 % voire 25 % du prix qu'elles valent aujourd'hui. Là c'était vraiment de super opérations parce que personne ne s'intéressait à la santé, parce que pour les acteurs de l'immobilier la santé c'était compliqué : acheter une clinique par exemple c'était très compliqué parce que le raisonnement des investisseurs immobiliers c'était de se dire : ça dépend d'un seul locataire. Et si le locataire s'en va, l'immeuble ne vaut rien, donc il va falloir que le transformer en bureau, ça va coûter très cher...  

Philippe  

Mais c'est un point qui est très important à relever sur le marché de la santé : aujourd'hui les investisseurs prennent énormément de risques, mais aujourd'hui finalement quand vous achetez un bâtiment de santé, vous ne faites pas vraiment de l'immobilier, c'est de l'obligataire quasiment.  

Frédéric 

Et dans l’exemple de tout à l'heure, la grosse opération qui a été fait par une grosse société française d'un portefeuille de 600 millions d'euros, je crois que c'était une opération qui s'est faite aux alentours de 4,3 %. C’est-à-dire que le rendement pour une SCPI, après les charges, les frais de fonctionnement etc., c’est 3 % de rendement. Et l'idée, la possibilité de se dire que vous allez le revendre plus cher... C’est quand même très compliqué de se dire que vous allez pouvoir le vendre beaucoup plus cher. 

Philippe  

Il faut bien comprendre que les opérateurs de santé qui signent des baux très longs, et qui ensuite vendent leur bâtiment parce qu'ils en sont propriétaires, sont parfaitement conscients de ce que nous venons de dire, du fait que c'est un très bon moment pour vendre de la santé. Donc aujourd'hui, il est complètement dans leur intérêt justement de vendre ces bâtiments-là maintenant. Mais attention parce qu'il ne faut pas qu'ils fassent défaut, parce que comme le disait Frédéric un bâtiment de santé sur lequel vous avez un locataire qui arrête de payer le loyer, ça devient très compliqué.  

Frédéric  

Ou qui revient vous voir pour négocier ! 

Baptiste  

Très bien, merci messieurs.  

 

Les investissements et cessions réalisés par les SCPI au cours des années passées ne préjugent pas de leurs performances futures. 

*Rendement :  taux de distribution, défini comme le dividende brut, avant prélèvements français et étrangers (payés par le fonds pour le compte de l'associé), versé au titre de l’année N y compris les acomptes exceptionnels et quote-part de plus-values distribuées, divisé par le prix de souscription au 1er janvier de l'année N de la part.