L'inflation rognera-t-elle le rendement de votre investissement ?
Baptiste Bruneau échange avec Frédéric Puzin, fondateur de CORUM L’Épargne et Philippe Cervesi, directeur de l’immobilier du groupe CORUM, sur les grandes questions de 2021. L’inflation a été au cœur des préoccupations à la fin de l’année : est-ce vraiment un risque supplémentaire pour vos investissements ?
Les produits commercialisés par CORUM L’Épargne sont des investissements long terme qui présentent un risque de perte en capital, aucune garantie de revenus et une liquidité limitée. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures.
Retranscription de l'extrait du webinaire du 8 décembre 2021 : Les 5 grandes questions que vous nous avez posées en 2021 :
Baptiste Bruneau
Une tendance peut-être un peu plus globale, en tout cas dont nous entendons beaucoup parler en ce moment, est celle de l'inflation. Alors, est-ce que l'inflation rognera le rendement des investissements au global, et peut-être plus particulièrement des investissements qui peuvent être réalisés chez CORUM L’Épargne sur la partie des SCPI et obligataire notamment ?
Frédéric Puzin
L'inflation, rappelons juste ce que c'est avec des mots très simples : c'est la hausse des prix. Alors en ce moment nous vivons une hausse des prix dont l'origine est liée à la crise du COVID ; c’est-à-dire que les usines quasiment dans le monde sont ralenties ou se sont arrêtées, donc les entreprises manquent de matière première, manquent de composants, elles ont beaucoup de bons de commande mais il n’y a pas les matières nécessaires pour fabriquer ou pour produire. Donc cela veut dire que comme tout ce qui est rare est cher - c'est comme la santé tout à l'heure - si vous avez 20 acheteurs et un vendeur, évidemment les prix sont plutôt à la hausse. L'inflation c'est ça.
La conséquence de l'inflation n'est pas forcément dramatique. L'inflation peut être un facteur de développement. Ce qui est embêtant c'est quand vous avez une hausse des prix, et que vous n’avez pas une hausse parallèle des revenus : vous allez grignoter ce que l’on appelle votre pouvoir d'achat. Si les prix augmentent et que votre salaire ou revenu ne bouge pas, votre pouvoir d'achat va baisser. Cela, nous pouvons tous le comprendre. Donc le mot inflation fait peur pour cela : vous vous dites que c'est potentiellement une perte de richesse, une perte de pouvoir d'achat. Maintenant il ne faut pas confondre l'inflation avec les taux d'intérêt. Je m'explique : les taux d'intérêt, ce sont les États qui les fixent, et ils fixent les règles du jeu puisque les plus gros emprunteurs sont les États qui s'endettent, qui empruntent. Donc ils fixent les règles du jeu en se disant : ma dette, je vais vous la faire rémunérer à tant - par exemple un emprunt d'État aujourd'hui en France, vous n’êtes pas loin de 0%. Un moyen de ralentir l'inflation est de monter les taux d'intérêt. Pourquoi ? Parce que si vous augmentez les taux d'intérêt, vous rendez plus complexe la capacité des entreprises ou des ménages à s'endetter. Et par la même occasion vous réduisez la consommation, ou vous réduisez par exemple la capacité des entreprises à investir puisqu'elles peuvent moins s'endetter, donc vous réduisez des besoins de matières premières, de composants, de produits manufacturés et/ou de services. Une façon qu'ont les États de juguler l'inflation ce sont les taux d'intérêt : remontez les taux d'intérêt et théoriquement vous allez contrebalancer, ralentir l'inflation.
Une fois que nous avons dit ça, le risque d'inflation est là. Si en même temps il y a une hausse des revenus, c'est moyennement grave. S'il y a trop d'inflation, cela peut devenir très compliqué parce que va se perdre la confiance. Si nous avons 1 % d'inflation, ce n’est pas très grave ; s’il y a 10% d’inflation, nous pouvons tous commencer à se dire : « zut, dans une année je dois avec mon salaire ou mes revenus, compenser 10 % de hausse des prix… ». Cela peut détraquer l'économie et rendre les gens, disons, peu confiants dans le système. Donc c'est pour ça qu’aujourd'hui nous parlons de risque de hausse d'inflation. Nous entendons qu’aux États-Unis la Banque centrale américaine va augmenter les taux d'intérêt pour ralentir l'inflation, qui est de près de 6 % aujourd'hui aux États-Unis et qui devient problématique, ce qui pourrait amener une perte de confiance. Le vrai sujet, il est là.
Si vous avez par exemple dans l'immobilier de l’inflation, c'est moyennement grave, parce qu'en théorie et dans la pratique les loyers des SCPI sont indexés avec l'inflation. Donc les revenus vont augmenter. Le vrai sujet c'est la valeur d'actifs. Si vous achetez quelque chose 100 mais que demain il y a une inflation et la même chose vaut 110, si vous devez les revendre ce n'est pas très grave. Tout monte donc tout se décale vers le haut. Vous compensez l'inflation par une augmentation des revenus et de la valeur des choses. Le seul problème de l’inflation est s’il y a hausse d’inflation et qu’il n’y a pas hausse des taux d'intérêt : là se pose un problème. D'un côté, les placements eux vont conserver des revenus relativement faibles, et puis le capital et les revenus vont être grignotés par l'inflation. Je vous donne un exemple : aujourd'hui le fonds en euros - la partie de l'assurance vie dont le capital est garanti parce que c'est la dette d'État - globalement offre très peu de rémunération parce que l'État ne veut pas payer sa dette trop cher. Donc vous allez avoir un fonds en euros cette année qui va être à 1,2 ou 1,3 %. Vous vous rendez bien compte que quand il y avait 1 % d'inflation ce n'était pas très grave : vous gagnez 1,3 %, vous aviez 1,3% d'inflation qui venait grignoter votre pouvoir d'achat, votre capital globalement avait à peu près la même valeur. Enfin vous arriviez à compenser. Si l'inflation est à 4 ou 5 %, prenons 5 %, et que vous avez toujours l'État qui rémunère votre dette à 1 % : vous allez gagner 1, l'inflation va vous coûter 5, vous allez perdre 4. Donc vous allez grignoter 4 de capital. Et c'est là qu'est le problème. Donc il faut bien comprendre tout ce qui est en train de se passer, l'enjeu est là.
Baptiste
Et pardon a contrario, parce que là du coup on parle des rendements des fonds en euros, des actifs sans risque. Qu’en est-il de l'impact sur les SCPI, sur la valeur de l’immeuble ?
Philippe Cervesi
Un des points clés sur l'immobilier est celui-là, Frédéric a totalement raison. Quand il y a une inflation, telle quelle elle n'a pas vraiment d'impact, puisque les loyers sont indexés. En revanche s’il y a hausse des taux d'intérêt - et nous pouvons penser qu'il y aura - là les investisseurs et les asset managers doivent se préparer et se prémunir. Parce que le problème est que vous avez une seule protection en fait contre l'inflation : c'est la valeur d'achat. Soit vous avez bien acheté, vous avez acheté sur un taux de rendement qui est plutôt élevé, et votre valeur ne va pas trop bouger. En revanche, si demain nous avons des taux d'intérêt, aujourd'hui inférieurs à 1 %, qui prennent ne serait-ce que 100 points de base... Imaginons qu’ils passent à 2 %, l'investisseur qui a acheté dans le centre-ville de Paris dans le quartier des affaires à 3 %, il y a un risque que la valeur de son actif qui était à 3 % hier devienne 4 % demain - et là ça veut dire qu’il perd 25 % de la valeur.
Frédéric
Il faut expliquer pourquoi : si vous achetez ce qui s’appelle une obligation d'État, vous achetez un emprunt d'État qui vous ramène 1. Vous achetez de l’immobilier à 3, vous visez la prime de risque de l'immobilier (qui n'est pas à capital garanti). Si les taux directeurs montent, c’est-à-dire que si l'État décide pour juguler l'inflation de passer les taux directeurs à 2, vous allez acheter 5, vous gardez la même prime de risque, le même écart de rentabilité - et là vous avez un problème. C’est-à-dire que ce que vous avez acheté à 4, demain matin cela vaut 5 en capitalisation. Ce que vous allez acheter 100 va perdre de la valeur. C’est-à-dire que pour avoir le même rendement, il faut acheter le même actif 8. Vous allez comprendre, c'est assez simple : si le revenu ne bouge pas, vous avez un revenu qui reste à 4 quand vous avez acheté à 100. Si maintenant vous attendez par exemple 5, vous allez pouvoir acheter à 80 parce que 5 au taux de 80, vous allez trouver le rendement vous aviez au départ.
Baptiste
En résumé, les rendements élevés protègent également le capital en cas d'inflation, c'est ce que vous êtes en train de me dire ?
Philippe
Parce qu'en fait la prime de risque de départ dont parlait Frédéric, entre le taux d'endettement de 1 % et le taux de rendement, est plus élevée. Ce qui veut dire que le changement de valeur potentiel en cas de d'augmentation des taux d'intérêt aura moins d'impact sur la valeur réelle de l'actif. Plus votre prime de risque est faible – nous parlions d'une prime de risque de 200 points de base (ndlr : 2 %), plus votre risque est élevé.
Frédéric
Pour vous le dire autrement, si vous investissez à 7 (CORUM Origin est investie en moyenne à plus de 7 %), avec 0 d'inflation ou presque, et des taux d'intérêt qui sont à 0. L'inflation remonte si les États ne corrigent pas, ne bougent pas ce qui s’appelle leur taux directeur d'obligations d'État, l'inflation va être compensée par l'indexation des loyers. En revanche si les taux d'intérêt d’État passent de 0 à 1 par exemple : vous aviez avant une différence entre 7 et 0, vous gagniez 7, demain vous gagnez 6, ce n'est pas un drame. Mais si vous ne gagnez que 1 %, et que vous vous faites grignoter les 1, vous gagnez 0. Et c'est là qu'est le problème. C'est pour ça qu'il vaut mieux investir avec des taux de rendement d’actifs élevés, vous êtes mieux protégés contre l’inflation, c'est le point numéro 1. Et point numéro 2, en étant mieux protégés contre l'inflation grâce aux revenus, vous allez perdre moins de valeur sur le capital.
Baptiste
C'est effectivement là où je voulais en venir. L'impact sur le capital, il y en aura un comme sur tout placement ou comme sur tout actif. Mais compte tenu du rendement élevé à l'acquisition, vous avez une meilleure protection - en tout cas un impact plus faible - sur la valeur du capital.
Frédéric
Et l'indexation des loyers.
Philippe
Il y a un troisième élément qui est aussi protecteur, qui est d'avoir un niveau d'endettement raisonnable. Parce que si vous êtes trop endetté et que la valeur de vos actifs chute, vous avez un gros problème puisque la banque peut venir vous voir en disant : « Désolé mais là vous avez dépassé un certain seuil et il y a un problème sur la valeur de nos actifs. »
Frédéric
Vous avez trop de dettes par rapport à la valeur de l’immeuble. Vous aviez acheté un immeuble 100, vous avez mis 50 de dette, la banque vous dit : ok ça fait un taux d'endettement de 50 %. Demain matin, si votre immeuble de par la hausse des taux d'intérêt, a une valeur qui descend à 80 par exemple, eh bien vous avez 50 de dette pour 80. Et là, cela pose un problème, parce que vous avez dépassé 50 % d’endettement, et la banque va vous demander de rembourser. C'est pour ça que dans nos SCPI nous avons très peu d’endettement : l’endettement moyen est aux environs de 17 %.
Philippe
Si vous êtes endetté à 20/25%, ce n'est pas vraiment un sujet. En revanche il y a beaucoup de sociétés dans l'immobilier qui sont beaucoup plus endettées ; si vous êtes endetté entre 50 et 60 %, l'inflation et l'augmentation potentielle des taux d'intérêt est un vrai sujet.
Baptiste
Là il peut y avoir un risque.
Frédéric
Mais Baptiste, ce qu’il faut dire aussi c'est que l'inflation ne doit pas être quelque chose d'anxiogène. Et la hausse des taux d'intérêt ne doit pas être quelque chose d’anxiogène. Cela fait partie des événements de marché. Il y a eu la crise du COVID, qui a produit des effets. Il y a eu il y a 15 ans la crise des subprimes, qui a eu des effets. Nous voyons bien qu’il faut être dans l'anticipation permanente, et nous c’est notre position chez CORUM : nous avons toujours été extrêmement vigilants à ce qui pourrait se passer, aux conséquences des évolutions des marchés. C'est pour cela que nous sommes uniquement concentrés sur les acteurs qui créent de la valeur, à savoir les entreprises auxquelles nous prêtons de l'argent à travers nos fonds obligataires, ou les entreprises auxquelles nous louons des immeubles dans l'immobilier. C'est cela qui nous intéresse, et c'est là-dessus que nous sommes extrêmement vigilants : au prix auquel nous achetons soit les obligations soit les immeubles. Nous sommes vigilants avec les entreprises solides, des rendements élevés et surtout une projection sur le long terme, l'engagement des entreprises sur le long terme. Et là vous êtes protégé en grande partie.
Philippe
Et cela pourrait permettre de revenir à un marché plus sain. Puisqu'aujourd'hui, nous le disions tout à l'heure en parlant de certaines classes d'actifs, il y a certains acteurs qui ont peut-être un peu trop de cash et qui ont tendance à acheter très cher. Ce qui crée en fait une surréaction des marchés, et n’est pas une bonne nouvelle pour l'investisseur final.
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