Performances des SCPI : comment comprendre les nouveaux indicateurs ?

Après cette période de résultats pour les produits d’épargne, retour sur les nouveaux indicateurs en vigueur en 2022. A l’origine conçus pour faciliter la comparaison entre les SCPI, permettent-ils vraiment à l’épargnant de mieux comprendre le rendement de son investissement ? Réponse avec Frédéric Puzin sur le plateau de BFM Business.

Les produits commercialisés par CORUM L'Épargne sont des investissements long terme qui n’offrent aucune garantie de rendement ou de performance et présentent un risque de perte en capital et de liquidité. Les revenus ne sont pas garantis et dépendront de l’évolution du marché immobilier et financier et du cours des devises. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures. 

 

Cédric DECOEUR 

On accueille à présent Frédéric PUZIN. Bonjour Frédéric. 

 

Frédéric PUZIN 

Bonjour Cédric. 

 

Cédric DECOEUR 

Le patron de CORUM. Et on va parler bien évidemment d’actualité, puisqu’en fin d’année - enfin, en début d’année - eh bien, on se préoccupe des rendements, des placements qu'on a faits au cours des mois passés. Et là, on s'intéresse aux SCPI évidemment avec vous. Le rendement, il n’y a rien encore officiel, mais on devrait tourner entre 4,3 et 4,4. Quelques commentaires avant ? 

 

Frédéric PUZIN 

C'est bien, c'est encourageant, ça montre que le produit est relativement stable. Après, il va falloir rentrer un petit peu dans les chiffres, parce que je pense qu'on mélange un petit peu différentes notions entre les SCPI à capital fixe, les SCPI à capital variable… 

 

Cédric DECOEUR 

Ça veut dire qu’il faut refaire de la pédagogie, c’est ça ? 

 

Frédéric PUZIN 

Oui, un peu. 

 

Cédric DECOEUR 

Donc on a un rendement. Et puis, il y a l'ASPIM, votre représentant, qui essaie justement d'arbitrer un peu pour qu'on puisse comparer les SCPI. Pourquoi ne pas avoir appelé un indicateur simplement le « rendement » de la SCPI, qui serait compréhensible et cohérent, non ? 

 

Frédéric PUZIN 

Tout d'abord, je tiens à préciser que je ne fais pas partie de l'ASPIM, donc ça me donne une certaine liberté de ton…. En fait, vous allez voir, on a fait un saut quantique en matière de mesures de performances de la SCPI, puisqu'on est passé du taux de distribution sur valeur de marché, au taux de distribution. Alors vous allez me dire jusque-là, on n'a pas gagné grand-chose, on a gagné en simplicité. La principale différence, c’est qu’avant, on prenait tous les dividendes perçus au cours d'une année pour ramener au prix moyen de la part. C'est-à-dire que si la part avait augmenté en milieu d‘année, on prenait un prix moyen -maintenant, on prend le prix au 1er janvier. Alors vous voyez, c'est quand même une grande progression. Mais au-delà de ça, on a confirmé une notion (on en avait d'ailleurs débattu l'année dernière sur ce plateau) : c'est qu'on ne retient qu'un dividende brut avant l'impôt du porteur de parts, on ne retient pas l’impôt du porteur - avec cette distorsion qui existe entre les SCPI françaises et les SCPI étrangères. On avait tenté l’année dernière d’améliorer les choses pour les SCPI françaises. L’ASPIM a sifflé la fin de la récré. 

 

Cédric DECOEUR 

Il y a un autre indicateur, c'est la performance globale : l’ASPIM le définit comme le taux de rendement plus la variation de la valeur de réalisation. C’est-à-dire ? 

 

Marie COEURDEROY 

Pas facile à dire. 

 

Frédéric PUZIN 

Alors là, c'est retour dans le futur et saut quantique en même temps, vous voyez que ça devient vraiment de la physique nucléaire ! Autrefois, il y avait cet indicateur qu’on appelait la performance globale : on additionnait d'un côté le rendement, et de l'autre côté, l'évolution de la valeur de part. C'est un petit peu comme une résidence principale ou un bien locatif, vous avez les revenus de votre appartement qui tombent tous les mois - c’est les loyers, et puis tous les ans, vous regardez l'évolution de la valeur de votre appartement, et la somme des deux. Ça vous donne l’évolution de la performance globale. En 2012, l'AMF dit : non, je trouve qu'il y a mieux que ça, ça s'appelle le TRI. Qui est une notion financière beaucoup plus précise, qui tient compte de beaucoup plus de choses, c'est des maths financières, très bien, pour nous gérants, c'est un véritable outil, en revanche pour le commun des mortels… ça devient très compliqué. Donc l’ASPIM a voulu simplifier tout ça en disant : oui, on peut toujours parler du TRI, mais la performance globale, c'est quand même pas mal. Donc on revient à la performance globale. Et on revient à une notion un petit peu différente de la performance globale, puisqu'en 2012, c'était le total du dividende plus l'évolution du prix de part ; là, on a total du dividende plus variation de la valeur réalisation. 

 

Marie COEURDEROY 

Mais c'est mieux, non ? 

 

Cédric DECOEUR 

Oui, ça va dans le bon sens ou pas ? 

 

Frédéric PUZIN 

Vous savez ce que c’est qu’une valeur de réalisation ? 

 

Marie COEURDEROY 

Précisément, vous allez nous nous expliquer la différence : est-ce qu’on a gagné en précision, et est-ce qu'on a gagné vraiment en pédagogie aussi, parce que c’est ça le sujet à la fin ? 

 

Frédéric PUZIN 

De mon point de vue, on n'a pas du tout gagné en clarté, parce que personne ne sait ce qu’est une valeur de réalisation ! 

 

Marie COEURDEROY 

On va le dire clairement… 

 

Frédéric PUZIN 

Hormis moi, qui suis gérant, et puis, mes amis gérants… Mais en fait, le sujet est assez simple : la valeur de réalisation, dans une SCPI, c'est la valeur à dire d'expert des immeubles. 

 

Cédric DECOEUR 

Genre, si on vend maintenant, on récupère tant ? 

 

Frédéric PUZIN 

En théorie, si on vend. Ce n’est pas forcément le prix de marché, c'est la valeur que donne un expert, donc c'est assez précis. Et tous les ans, on définit cette valeur d'expertise, qu’on appelle valeur de réalisation. Et le gérant, à partir de cette valeur de réalisation, va calculer une valeur de reconstitution… Vous voyez, ça se complique un peu ! La valeur de reconstitution, c'est quoi ? 

 

Marie COEURDEROY 

La différence entre les deux ? 

 

Frédéric PUZIN 

Eh bien, non. L’expert vous donne la valeur en tant que telle, mais il ne vous dit pas combien ça vous a coûté pour acheter, les frais de notaire, le prix de l’acquisition... 

 

Marie COEURDEROY 

Oui, c’est ça, donc vous allez faire la différence entre les deux ? 

 

Cédric DECOEUR 

Il y a un brut et un net ? 

 

Frédéric PUZIN 

Exactement. Il y a un prix net vendeur, et puis, il y a le prix pour acheter, comme pour vous et votre logement, les frais de notaire et les agences immobilières, etc. Avec ça, on a la valeur reconstitution. Donc on pourrait se dire : hourra, on a une valeur scientifique ! Eh bien, non. Figurez-vous que le gérant de SCPI peut fixer la valeur du prix de part entre moins 10 % et plus 10 % de cette valeur de reconstitution. 

 

Marie COEURDEROY 

Oui, ça fait un gap de 20… 

 

Cédric DECOEUR 

Et pourquoi ? 

 

Frédéric PUZIN 

Pourquoi ? Il y a une raison, ce n’est pas complètement neutre. Donc on voit bien que d'un côté, on prend le dividende et on rajoute une valeur de réalisation - mais au bout du compte, l’épargnant ne verra jamais cette valeur de réalisation, dans 95 % des cas. Alors pourquoi est-ce que le gérant peut fixer la valeur de part entre moins 10 et plus 10 ? Ça répondait à une logique qui date de plusieurs années, voire décennies, qui consiste à pouvoir fluidifier le marché des parts de SCPI en mettant le prix de part en dessous de la valeur réelle du patrimoine. En gros, les nouveaux épargnants qui rentraient faisaient une bonne affaire, donc on favorisait la collecte, ou au contraire, freinait la collecte, c’est-à-dire qu’on mettait un prix de part supérieur à la valeur réelle. 

 

Marie COEURDEROY 

C’est un levier. 

 

Frédéric PUZIN 

Ce qui était censé freiner l'ardeur des épargnants. Que nenni ! Historiquement et aujourd’hui, 95 % des SCPI ont un prix de part qui est en dessous de la valeur théorique. Donc on voit qu'on va comparer des choux et des carottes, puisque l’épargnant ne va jamais voir dans la réalité cette valeur de réalisation. 

 

Cédric DECOEUR 

Oui, et puis, 20 %, ce n'est quand même pas rien ! 

 

Frédéric PUZIN 

Oui, ça fait beaucoup. 

 

Frédéric PUZIN 

L’épargnant ne verra jamais cette valeur de réalisation, alors que les espèces sonnantes et trébuchantes s'il venait à vendre ses parts, eh bien, c'est le prix de part, la valeur de la part. 

 

Cédric DECOEUR 

Oui, pourquoi est-ce qu’on ne s’est pas basé sur la valeur de la part ? 

 

Marie COEURDEROY 

Pourquoi on n’a pas fait simple en fait ? 

 

Frédéric PUZIN 

C’est la question que je me pose aussi. Alors, il y a certaines explications. D'abord, on a voulu faire des choses qui soient comparables par exemple entre les SCPI et l’OPCI. L’OPCI se base sur l'équivalent d'une valeur de réalisation, ça s'appelle une valeur liquidative, c'est une valeur à dire d'experts des actifs. La petite différence, c'est que pour l’OPCI, le gérant n‘a pas le choix de la valeur de son action, elle lui est imposée par une méthode très précise - mais de l'autre côté, il a toute latitude pour assurer les liquidités. Parce qu’à côté de l'immobilier, on peut mettre des placements monétaires, des actions, des obligations. Donc on lui impose le prix, là, il faut aider le marché, on donne cette liquidité. Après, l’aspect un peu plus difficile à percevoir pour les non-initiés : évidemment, si vous mettez un prix de part en dessous de la valeur réelle, si vous avez 4 % de dividendes sur l'année, vous ramenez ça à une valeur de part qui est 100, si vous mettez la valeur de part plutôt à 95, vos 4 %, ils se transforment en 4,2. Voyez, ça permet un petit peu de… 

 

Marie COEURDEROY 

De booster faussement, quoi… 

 

Frédéric PUZIN 

De booster. 

 

Marie COEURDEROY 

Faussement ? 

 

Frédéric PUZIN 

Alors, faussement… de façon erronée. Et puis, je pense qu’il y a une petite circonstance de marché. On sait qu’en 2020, les valeurs d'expertises n’ont pas été terribles, crise Covid notamment pour les commerces, pour certains bureaux, etc. 2021, les choses se sont peut-être un peu améliorées - pas sûr, on va voir ce qui s'est passé - mais on voit bien qu’on est dans une phase où, globalement, les valeurs d'expertises, donc les valeurs de réalisation doivent monter. C'est aussi un moyen de bénéficier peut-être d'un tempo où même si les gérants n’augmentent pas les prix de part, ils vont pouvoir afficher peut-être 4 % de rendement, plus 3 % d’augmentation de valorisation, 7 %. Mais s’ils n’augmentent pas les prix de part, ça ne fera malgré tout que 4 % réellement pour l'épargnant. Donc on voit qu'il y a peut-être un petit effet d'aubaine. 

 

Cédric DECOEUR 

Bon, et devant, vous voyez les choses comment, sans parler des rendements, etc., l'ambiance reste bonne ? 

 

Frédéric PUZIN 

Vous l’évoquiez tout à l’heure en début de votre émission, quel que soit le sujet, il y a trop d'argent, il y a de l'argent partout. On n'a pas vraiment vu les prix baisser, même à Paris, ça s’est maintenu. Donc, oui, le marché immobilier est difficile de façon générale, malgré tout, les SCPI ont pour elles d'être assez basiques. Ce sont des immeubles, des locataires qui payent les loyers - si vous avez les bons locataires. D'ailleurs c’est intéressant, on disait haro sur le baudet il y a 2 ans, sur le commerce : les commerçants vont reprendre leur activité. Là, on se rend compte que dans la santé, il y a des petits bruits un petit peu bizarres sur l’activité des gérants… Vous voyez que les effets de mode, c’est là que ça va se jouer sans doute à la marge…Voilà, là, ça va se jouer sans doute à la marge. Mais globalement, les loyers sont payés, les valeurs d’expertises, on va voir, mais après la crise, ça doit remonter un petit peu. Donc les SCPI ont de belles années devant elles. 

 

Cédric DECOEUR 

Frédéric PUZIN pour CORUM nous accompagnait ce matin. Merci beaucoup Frédéric.  

 

Photographie: BFM Business